New York, le 29 avril 2025 - « À deux mois seulement de la quatrième Conférence sur le financement du développement (FfD4) qui se tiendra à Séville, en Espagne, l’Afrique a une occasion unique de repenser les règles de la finance mondiale afin qu’elles servent de passerelle vers le développement durable du continent ». Le Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), M. Claver Gatete, a fait cette déclaration lors de son allocution d’ouverture à un évènement parallèle du quatrième Comité préparatoire (PrepCom) de la FfD4, le 29 avril 2025.
Cet évènement, coorganisé par la CEA et la Commission de l’Union africaine (CUA), visait à examiner les priorités de l’Afrique pour la FfD4, prévue du 30 juin au 3 juillet 2025, en s’appuyant sur les résultats des consultations régionales, et à identifier les actions clés pour garantir que le programme de la FfD4 soit aligné sur les besoins de développement du continent.
M. Gatete, soulignant la nécessité de renforcer la mobilisation des ressources nationales et de lutter contre les flux financiers illicites, a déclaré que tant que 89 milliards de dollars des États-Unis s’échapperaient des économies africaines chaque année, une véritable résilience resterait hors de portée.
« Il est essentiel d’élargir l’assiette fiscale, d’optimiser les systèmes fiscaux grâce à la numérisation et de combler les fuites qui sapent le potentiel du continent », a-t-il déclaré, mettant en exergue la nécessité de faire progresser la Convention-cadre sur la coopération fiscale internationale, « afin de garantir que les règles fiscales mondiales soient élaborées avec l’Afrique et non pour l’Afrique ».
M. Gatete s’est exprimé lors de l’évènement parallèle qui a suivi les « Réunions de printemps » du Groupe de la Banque mondiale et du FMI et a réitéré la nécessité de réformer l’Architecture financière mondiale. Il a également appelé à la mise en place d’un mécanisme multilatéral de restructuration de la dette souveraine, à une réforme globale du Cadre commun du G20, à un moratoire immédiat sur les intérêts et à la création d’une autorité mondiale de la dette afin de garantir des processus de restructuration équitables, rapides et transparents.
« Les pays africains peinent à investir dans des secteurs essentiels, comme la santé, l’éducation et l’innovation, en raison d’une dette insoutenable. Il est inacceptable qu’aujourd’hui, plus de 20 pays africains soient déjà confrontés au surendettement ou soient exposés à un risque imminent », a-t-il déclaré.
Il a également souligné la nécessité de mettre en place un accès juste et équitable au financement climatique, soulignant que l’Afrique est le moins responsable du changement climatique, mais qu’elle en paie le prix fort. Bien que contribuant à moins de 4 % des émissions mondiales, le continent est confronté à des coûts d’adaptation croissants et à des obstacles croissants au financement climatique.
« Nous devons réformer les systèmes mondiaux de financement climatique afin de privilégier les subventions aux prêts, l’adaptation à l’atténuation et la justice à l’opportunisme », a-t-il indiqué, ajoutant que le capital naturel de l’Afrique doit être correctement valorisé et non pas simplement exploité.
Le Secrétaire exécutif a réitéré son appel lancé plus tôt cette semaine en faveur d’une réforme des banques multilatérales de développement et des institutions financières internationales afin de les adapter aux réalités mondiales actuelles. Tout en saluant l’intégration de l’Union africaine et de l’Afrique du Sud au G20, ainsi que les avancées progressives au FMI et à la Banque mondiale, il a déclaré que l’Afrique appelle à une réforme complète des systèmes de quotes-parts, à un rééquilibrage des droits de vote et à une architecture de financement du développement qui place au cœur les priorités du continent, notamment la résilience climatique, l’industrialisation et le capital humain.
M. Gatete a également plaidé en faveur d’une « Plateforme africaine de responsabilité en matière de financement du développement » afin de suivre les engagements et les progrès de la FdD4, de mettre en évidence les lacunes et d’accélérer les changements réels. Il a également souligné la nécessité d’institutionnaliser des systèmes solides de responsabilité et de données.
« Sans données, les progrès ne peuvent être évalués. Et sans responsabilité, les promesses sont incommensurables », a-t-il déclaré.
Il a également insisté sur la nécessité de débloquer des capitaux privés pour le développement, car les finances publiques ne peuvent à elles seules combler le déficit d’investissement du continent, estimé entre 100 et 150 milliards de dollars des États-Unis par an.
« L’Afrique ne peut financer son avenir si l’investissement privé reste entravé par la perception du risque. Des efforts sont nécessaires pour débloquer la participation du secteur privé en réduisant les risques liés aux investissements et en créant de nouvelles options de financement. Nous devons déployer stratégiquement des financements mixtes, améliorer la solvabilité grâce à des notations de crédit souveraines plus précises et objectives, élargir les mécanismes de garantie et développer des instruments tels que les obligations vertes, les obligations de la diaspora et les portefeuilles titrisés », a-t-il déclaré.
Une présentation conjointe a été faite par le Directeur par intérim du Département du développement économique, du commerce, du tourisme, de l’industrie et des minéraux de la CUA, M. Patrick Ndzana Olomo, et le Chef de la Section de la gouvernance économique et des finances publiques, de la Division de l’analyse macroéconomique, des finances et de la gouvernance à la CEA, M. Gamal Eltaib Ibrahim. L’exposé a présenté les principales recommandations issues des consultations menées par l’Afrique en préparation de la quatrième Conférence des Nations Unies sur le développement (FdD4). Il a souligné que la stratégie de négociation de l’Afrique devait s’ancrer dans des systèmes mondiaux équitables, l’appropriation et le leadership nationaux, ainsi que dans un engagement en faveur du développement durable et de la croissance inclusive. Il devrait également être guidé par la flexibilité stratégique, la priorisation des questions à fort impact, ainsi que par l’unité et la collaboration pour amplifier la voix de l’Afrique et défendre ses priorités à tous les niveaux.
Les intervenants ont souligné l’importance d’une forte appropriation par les pays, d’une mobilisation efficace des ressources nationales et de l’urgence d’une réforme globale de l’Architecture financière mondiale. Ils ont appelé à un ensemble de réformes ambitieuses et réalisables pour catalyser les investissements dans le développement durable et inclusif à grande échelle. La discussion a également insisté sur l’urgence d’engagements contraignants, de mécanismes de responsabilité clairs et d’un appui technique renforcé pour garantir de réels progrès vers la réalisation de l’Agenda 2063 et des objectifs de développement durable (ODD).
Compte tenu du décalage persistant entre les engagements et leur mise en œuvre lors des précédentes Conférences sur le financement du développement, les participants ont vivement encouragé les pays membres, les institutions internationales, la société civile et le secteur privé à prendre des mesures concrètes et mesurables, et à assumer la responsabilité des engagements qui seront pris lors de la quatrième conférence sur le financement du développement.
La table ronde était animée par le Chef du Département de l’élaboration et de la coordination des politiques, des services de suivi et d’information du Bureau du Haut-Représentant des Nations Unies pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement (UN-OHRLLS), M. Abdoul Salam Bello.
L’Ambassadeur Chola Milambo, le Représentant permanent de la Zambie et co-facilitateur du FfD4 ; l’Économiste en chef et Directeur de la Division de la politique macro-budgétaire, au Ministère des finances de la Sierra, Leone Alimamy Bangura, la Représentante permanente de l’Érythrée auprès de l’ONU et Présidente du Groupe africain, Sophia Tesfamariam, le Sous-Secrétaire général au développement économique, DAES de l’ONU, M. Navid Hanif et la Directrice exécutive du Réseau pour la justice fiscale en Afrique, Mme Chenai Mukumba, étaient présents à la réunion.