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Covid19 : Un nouveau contrat social de l’emploi nécessaire pour une reprise africaine durable

3 mars, 2021
A new social contract on employment needed for a sustainable African recovery post COVID-19

Brazzaville, le 3 mars 2021 (CEA) – L’Objectif de Développement Durable 8 (Emploi décent et croissance économique) a été au cœur de l’une des sessions parallèles du 7ème Forum Africain pour le Développement Durable qui se tient cette semaine à Brazzaville (République du Congo), du 1er au 4 mars 2021. 

Cette rencontre, conjointement dirigée par le représentant de l’Algérie Mehdi Remaoun et la Sous-directrice générale et Directrice pour l’Afrique de l'OIT Cynthia Samuel Olonjuwon, avait pour but d’établir une liste de mesures visant à aider le continent à réaliser l’ODD 8 dans le cadre de ses efforts pour accélérer la reprise économique post Covid19.

“L’ODD 8 est très important car intimement lié à l’Agenda 2030. Il joue un rôle particulièrement important pour le développement de notre continent. Malheureusement, l’ODD8 a aussi été un des objectifs les plus touchés par la pandémie, et il va sans dire que ceci est de nature à exacerber les vulnérabilités de la tranche socio-professionnelle employée dans l’informel », a indiqué M. Remaoun.

Les experts reconnaissent aujourd’hui que l’accès à l’emploi, et en particulier l’emploi décent, joue un rôle déterminant dans la réduction de la pauvreté. Toutefois, à l’instar du reste du monde, l’emploi en Afrique a été particulièrement touché par la pandémie de la Covid19. Il est en effet attendu que la crise entraine une baisse de 1,8 à 4,1% du PIB africain en 2020, menaçant quelques 19 millions d’emploi à l’heure où 18 millions de jeunes intègrent déjà le marché de l’emploi tous les ans. Ces chiffres ne révèlent toutefois qu’en partie la gravité de la situation sur le terrain :

“En Afrique, la croissance économique n’a pas été suffisamment inclusive et rapide pour absorber la croissance de la main d’œuvre. Toutefois, le chômage n’est pas le problème principal du continent, contrairement aux lourdes problématiques de l’informel, du sous-emploi et de la pauvreté des travailleurs », a expliqué Bernd Mueller, Spécialiste des questions d’emploi de l’équipe OIT pour le travail décent en Afrique de l’Est et en Afrique australe. Selon lui, malheureusement, beaucoup d’Africains sont trop pauvres pour rester au chômage et sont réduits à vivre d’expédients.  

Ainsi, si les taux de chômages apparaissent aujourd’hui relativement bas en Afrique, dans la réalité, l’essentiel des travailleurs africains sont employés dans l’informel (85,6% selon la BAD), et par conséquent dans une situation défavorable aussi bien aux travailleurs - moins bien payés voire pauvres et mal protégés - que pour les gouvernements qui se voient privés de revenus potentiels de taxation.

Les jeunes et les femmes sont particulièrement concernés par cette situation : il est en effet estimé que 95% des jeunes Africains sont employés de manière informelle, dont 79% des femmes et 68% des hommes.

L’Afrique est un continent jeune. Les problématiques de l’emploi et du sous-emploi y touchent particulièrement les jeunes, d’où la nécessité de créer des emplois décents pour les jeunes et de renforcer leur savoir-faire de manière à ce qu’ils puissent trouver des emplois, particulièrement dans le domaine de l’économie digitale, a indiqué Cynthia Samuel Olonjuwon qui a souligné les implications de la crise sur les femmes africaines, dont un grand nombre était déjà consigné aux emplois moins protégés, moins bien rémunérés, et une part disproportionnée des soins et du travail domestique non rémunérés. Ainsi, 92,1% des femmes sub-sahariennes travaillaient dans l’informel contre 86,4% des hommes.

Toutefois, si la pandémie a révélé la nécessité de rendre les économies et les marchés du travail africains plus résilients et durables, elle offre aussi aujourd’hui au continent une opportunité de réorienter sa croissance, et de générer une reprise économique génératrice d’emplois, inclusive, durable et équitable.

Pour y parvenir, plusieurs facteurs clés ont été identifiés. Parmi eux, la nécessité de stimuler l’économie, notamment par la transformation structurelle et la diversification économique ; mettre en place des politiques macroéconomiques et sectorielles favorables à l’emploi ; soutenir les entreprises ; protéger la main d’œuvre, et s’appuyer sur le dialogue social pour parvenir à des solutions bénéfiques à tous.

Selon Prosper Chitambara de l’Institut zimbabwéen de recherche sur le travail et le développement économique (Labour and Economic Development Research Institute of Zimbabwe), les gouvernements africains devront ainsi veiller à mettre en place des politiques institutionnelles adaptées, de manière à empêcher la taxation et les lourdeurs administratives qui y sont liées de décourager l’entrée des entreprises dans le secteur formel. Les pays devraient également mettre en place des partenariats et dialogues qui leurs permettront d’adapter leurs politiques de sortie de crise.

« La mise en œuvre de l’ODD8 dépend de la performance des entreprises, qui génèrent les emplois recherchés.Nous devons nous poser la question de savoir comment rendre les entreprises plus durables, lever les obstacles réglementaires, et mettre en place des législations qui, tout en permettant aux gouvernements de collecter des taxes, donnent aux entreprises le temps de se stabiliser avant d’être frappés par les taxes », a ajouté Jacqueline Mugo, Directrice exécutive de la Fédération des employeurs du Kenya (FKE).

Une position confirmée par le ministre nigérian du travail et de l’emploi, Chris Ngige : « Au Nigéria, nous soutenons les PMEs de manière à ce qu’elles créent des emplois. Nous avons aussi mis en place des politiques économiques pour la formation de jeunes dans l’espoir qu’ils deviendront à leur tour des employeurs ».

Les intervenants ont été unanimes à reconnaître la nécessité de mettre en place un nouveau contrat social entre employeurs et employés et qui garantirait le droit des travailleurs à s’organiser et à négocier de manière collective ; l’égalité entre les genres et des opportunités égales pour les personnes handicapées ; l’inclusion des jeunes ; et la protection sociale qui devrait être perçue comme un investissement plutôt qu’un coût.

« On ne peut pas parler de résilience en Afrique tant qu’on n’investit pas dans la protection sociale », a insisté Cynthia Samuel Olonjuwon. 

« Lorsque les travailleurs sont organisés et plus faciles à identifier, ils peuvent s’exprimer davantage sur les problématiques auxquelles ils sont confrontés. Personne ne s’auto-condamne à la destruction : lorsque les gens sont organisés, il leur est plus facile d’examiner les options disponibles et d’identifier des solutions bénéfiques », a souligné Kwasi Adu-Amankwah, Secrétaire général de l’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI-Afrique).

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