SÉMINAIRE-RETRAITE DE LA VICE-SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES AVEC LES COORDONNATEURS RÉSIDENTS DES NATIONS UNIES EN AFRIQUE
Séance d’ouverture
Compte à rebours jusqu’en 2030 : la situation mondiale et la réalisation des objectifs de développement durable
Discours liminaire
(en ligne)
de
M. Claver Gatete
Secrétaire général adjoint de l’Organisation des Nations Unies et
Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique
Luanda, le 17 mai 2025
Excellences,
Madame la Vice-Secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies,
Mesdames et Messieurs les coordonnateurs résidents,
Chers collègues et partenaires de l’Organisation des Nations Unies,
Mesdames et Messieurs,
C’est un honneur pour moi de me joindre virtuellement à vous à l’occasion de ce séminaire‑retraite, particulièrement important et venant à point nommé, qui réunit des dirigeants de toute l’Afrique à un moment décisif de notre avancée commune vers la réalisation des objectifs de développement durable.
À cinq ans de l’échéance de 2030, la marge de manœuvre dont nous disposons s’est fortement réduite.
L’Afrique doit aujourd’hui faire face à un enchevêtrement complexe de crises multiples, telles que les chocs climatiques, le surendettementcroissant, l’instabilité géopolitique et les conséquences désastreuses de la fragmentation du système financier mondial.
Ces problèmes sont accentués par la diminution de l’aide publique au développementet par l’érosion des cadres multilatéraux établis de longue date, ce qui contribue à aggraver un déficit de développement sur le continent.
Les répercussions de cette situation sont particulièrement préoccupantes.
En 2024, la dette publique de l’Afrique a atteint 1 860 milliards de dollars des États-Unis, les ratios moyens de la dette par rapport au produit intérieur brutétant passés de 44,4 % en 2015 à 66,7 % aujourd’hui.
Il en résulte que les ressources sont détournées au détriment d’autres priorités de développement essentielles.
De ce fait, aujourd’hui, sur les 169 objectifs mesurables, seuls quatre sont en bonne voie de réalisation.
Pour 70 d’entre eux, les progrès sont trop lents, tandis que pour 29 autres, ils sont en régression.
Le fait que plus de 600 millions d’Africains soient toujours privés d’électricité et que 476 millions vivent dans la pauvreté – dont 149 millions récemment plongés dans le dénuement en raison des dérèglements climatiques et économiques – souligne l’urgence de mettre en œuvre des mesures correctrices.
En outre, le déficit de financement nécessaire à la réalisation des objectifs de développement durable en Afrique a atteint jusqu’à 1 300 milliards de dollars par an.
Le produit intérieur brut de l’Afrique devrait croître de 3,8 % en 2025 et de 4,1 % en 2026, un rythme encore inférieur aux 7 % nécessaires pour réaliser l’objectif de développement durable n° 8 et lutter efficacement contre la pauvreté – même s’il dépasse l’estimation de 3,1 % au niveau mondial établie par l’OCDE.
Toutefois, la situation n’est pas si sombre que cela pour l’Afrique.
Le Pacte pour l’avenir, récemment adopté lors du Sommet de l’avenir, établit un programme mondial renouvelé et tourné vers l’avenir, fondé sur la solidarité, la durabilité et la transformation numérique.
Il est important de souligner que l’Afrique ne part pas de zéro.
Le continent continue de s’appuyer sur des cadres fondamentaux tels que l’Agenda 2063 de l’Union africaine et met à profit des plateformes de transformation telles que la Zone de libre-échange continentale africaine pour réajuster ses orientations en matière de développement.
À ce propos, permettez-moi de vous présenter cinq priorités essentielles qui doivent guider nos efforts communs visant à accélérer la réalisation des objectifs de développement durable en Afrique.
Premièrement, nous devons réformer d’urgence l’architecture financière mondiale, car c’est indispensable pour remédier aux asymétries structurelles qui continuent de marginaliser les pays africains sur le plan économique.
Le système actuel limite l’accès à des financements à long terme à un coût abordable, aggravant ainsi les vulnérabilités et freinant le développement.
La Commission économique pour l’Afrique, en tant que membre du Groupe de travail de haut niveau sur l’architecture financière mondiale, joue un rôle de premier plan dans la promotion d’un système mondial plus inclusif, plus équitable et plus représentatif.
Nous travaillons en collaboration avec les États membres pour améliorer la gouvernance budgétaire et les notations des crédits souverains, dans le but de renforcer la résilience financière.
Deuxièmement, l’Afrique doit tirer parti de son potentiel en mobilisant efficacement les ressources au niveau national.
Pour assurer un développement durable, il faut disposer d’un financement durable au sein même du continent.
Cependant, les capacités de l’Afrique dans ce domaine restent largement sous-utilisées.
L’élargissement de l’assiette fiscale, la lutte contre les flux financiers illicites et la transformation numérique des systèmes de collecte des recettesdoivent devenir des priorités stratégiques.
De même, mobiliser les fonds souverains et les fonds de pension au service des priorités nationales de développement peut avoir un effet transformateur.
En tirant parti de la Zone de libre-échange continentale africainepour renforcer les chaînes de valeur régionales et promouvoir une industrialisation tirée par le commerce, les pays africains peuvent élargir considérablement leur marge de manœuvre budgétaire.
La CEA est déterminée à travailler en étroite collaboration avec les coordonnateurs résidents et les institutions nationales pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies de gestion des risques de catastrophe adaptées à chaque pays et fondées sur la stabilité macroéconomique et la croissance inclusive.
Troisièmement, nous devons apporter des solutions intégrées aux problèmes interdépendants liés à la dette, au développement et à la vulnérabilité climatique.
Ces problèmes se renforcent mutuellement et il faut tenir compte de cette interdépendance dans la quête de solutions.
La réforme du financement de l’action climatique est particulièrement urgente, car les financements alloués à l’adaptation et à la résilience demeurent fragmentés, imprévisibles et insuffisants.
En outre, la création d’une agence de notation africaine renforcera les capacités des pays membres, contribuant ainsi à réduire les coûts d’emprunt, à accroître la transparence et à remettre en question les évaluations biaisées des agences de notation dominantes au niveau mondial.
Parallèlement, la CEA aide les pays à élaborer des stratégies en matière de transition verte, notamment en investissant dans les énergies renouvelables, l’agriculture intelligente face aux changements climatiques et les solutions fondées sur la nature, afin que l’action climatique devienne un moteur de développement.
Quatrièmement, il est essentiel de combler les importantes lacunes en matière de données, qui compromettent notre capacité à planifier, à mettre en œuvre les mesures décidées et à suivre les progrès réalisés.
Aujourd’hui, le manque de données sur les indicateurs des objectifs de développement durable constitue l’un des principaux obstacles empêchant de nombreux pays africains de progresser dans ce domaine.
En conséquence, la CEA s’attèle à moderniser les systèmes statistiques, à permettre l’interopérabilité entre les organismes publics et à informatiser l’enregistrement des faits d’état civil et l’établissement des statistiques de l’état civil.
Cinquièmement, l’Afrique doit parler d’une seule voix sur la scène mondiale.
La quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, le deuxième Sommet mondial pour le développement social, la trentième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et leforum politique de haut niveau de 2025, qui se tiendront prochainement, seront autant d’occasions décisives de mettre en exergue les priorités communes de l’Afrique.
Il est impératif de saisir pleinement ces occasions.
En adoptant des positions cohérentes, fondées sur des données et orientées vers l’action, l’Afrique peut influer sur le programme de développement mondial.
La CEA, en étroite coordination avec l’Union africaine et l’ensemble du système des Nations Unies, est déterminée à contribuer à cette entreprise.
Chers collègues,
Les coordonnateurs résidents ont un rôle central à jouer.
Vous êtes idéalement placés pour promouvoir l’intégration au niveau national, assurer la cohérence des grandes orientations, mobiliser la volonté politique et encourager une action coordonnée en faveur de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Ensemble, nous pouvons contribuer à réorienter l’Afrique sur la voie de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Je vous remercie.